Ça marche!!
Mission sauvetageJ’étais comme pétrifié en voyant le corps d’Onyx tomber à terre. Sa cage thoracique se soulevait avec peine. Lorsque je perçus un regard furtif qu’il lança à la ronde avant de refermer les yeux, un frisson glacé me parcourut.
Nous nous étions précipités vers l’endroit où le chat noir avait chuté. Sa respiration était chuintante, et Pixie partit aussitôt au galop pour tenter de trouver une souris, qui pourrait, du moins l’espérait-il, le ranimer un peu.
Les paroles d’Onyx résonnaient encore dans ma tête ; Bonzaï, devenu fou ? Onyx s’était trompé, il parlait sûrement de Chouquette. Mais je connaissais cette jeune chatte, jamais elle n’aurait été capable de faire du mal à une mouche. Ce n’était pas son genre. Et, de toute façon, elle était trop petite pour pouvoir enlever deux chats, même si l’un d’entre eux était un vieux matou décharné. Mais Onyx ? Il était en parfaite santé, et jeune, musclé ! Non, cela ne tenait pas debout.
Mais, alors que je réfléchissais, une idée prit soudain forme dans ma tête : et si Onyx était l’auteur de ce rapt ? S’il était allié avec les chats errants ? Pour dissiper nos doutes, il aurait pu se faire revenir dans la troupe, en accusant quelqu’un d’autre. Non ?
Outre mon animosité pour ce chat, mon raisonnement tenait debout.
Et si elle était vraie, si Onyx avait fait cela, c’était pour nous aiguillonner sur une mauvaise piste. Et s’il souhaitait nous aiguillonner sur une mauvaise piste, c’était pour gagner du temps.
Donc, nos amis étaient en danger !
Mais comment convaincre Pixie, Milly, Jessie et Désert de me suivre ? Onyx pourrait peut-être m’y aider… mais j’étais persuadé que ça n’était pas la bonne solution.
En fait, je n’eus même pas à trouver un moyen de persuader mes anciens compagnons. Milly prit la parole et déclara : « Alors, nos amis sont en danger ! Nous devons aller les délivrer ! cria-t-elle avec force. Ils nous ont maintes fois aider, c’est à notre tour, maintenant ! Le temps nous est compté : je propose que nous attaquions demain, à l’aube ! »
J’admirais la force et la maîtrise de ses propos, sans toutefois pouvoir m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie.
Je me secouais ; le moment était mal venu pour réfléchir à mon futur rôle de chef ! Une seule chose importait : sauver Chouquette et Bonzaï.
Pourtant, tandis que j’écoutais l’idée de Pixie, un doute retentit en moi ; et si ce qu’avait déclaré Onyx était vrai ? Si Bonzaï était-il réellement fou ? Le vieux matou possédait, après tout, une grande force… Se pouvait-il que nous nous soyons trompés à ce point sur lui ?
***
Le lendemain matin, j’étais frigorifié, mais, bien éveillé, car c’était moi qui étais de garde (je soupçonnais d’ailleurs Pixie de vouloir me donner une chance de me racheter). L’aube ne devait plus tarder, et je commençais à éveiller mes compagnons. Nous comptions bien sûr sur Onyx pour nous indiquer la direction à suivre. Sa blessure avait été guérie par les soins de notre pseudo guérisseuse : Désert.
J’étais en train de me faire réprimander par Milly qui disait qu’on « avait osé la réveiller dans son sommeil, et par un meurtrier, qui plus est ! » J’en avais désormais l’habitude, mais chaque fois qu’un des miens me le rappelaient, une aiguille me perçait le cœur.
J’étais, donc, en train de supporter les postillons incessants de la jolie chatte lorsqu’un bruit, semblable à celui qu’avait fait Onyx en arrivant, retentit.
Je me retournais instinctivement. Le silence se fit dans la combe.
Je plissais les yeux pour tenter d’apercevoir le visage de l’intruse, et mon cœur rata un battement lorsque je l’identifiais.
Gonflé d’une joie immense, je me précipitais vers la chatte en hurlant : « Chouquette ! » Elle me reconnut, et, fidèle à ses habitudes, répliqua : « Salut, forgeron ! »
Je riais.
Elle reprit son sérieux et déclama soudain : « On n’a plus le temps de rigoler, Bonzaï est en danger ! Désert et les chats errants sont venus nous enlever ! Mais il manque un coupable, et ce coupable, le voilà ! »
Eberlué, je regardais la direction que tendait sa petite patte d’un air inflexible. Elle se dirigeait vers Onyx.
Pixie, coupant court au silence naissant, gronda : « Dis donc, Chouquette, tu te fiches du monde ? Onyx est arrivé hier soir en hurlant que Bonzaï était devenu fou et qu’il vous avait enlevé. Et toi, maintenant, tu arrives en criant que Désert, les chats errants et le nouveau héros du jour sont coupables ?
- Je vous assure que je ne mens pas, répondit la petite chatte.
- Excuse-moi, mais ce chat a 7 ans, et tu en as 5.
- Non ! criais-je soudain. Non ! Je ne suis pas d’accord. Que tu me méprises parce que tu me rends coupable d’un crime que je n’ai pas fait, Pixie, passe encore. Mais juger les gens sur leur âge, c’est la pire ânerie que j’ai jamais entendue. »
Un long silence suivit cette déclaration.
Pixie me fixait comme s’il venait juste de s’apercevoir de ma présence.
Finalement, après un long moment, il se tourna vers Chouquette et déclara, comme si rien ne s’était passé : « Selon toi, où étaient allés vos ravisseurs ?
- On est allés vers la campagne. »
Soudain, Onyx, que j’avais presque oublié, hurla : « N’en croyez rien ! Bonzaï devait avoir une maladie contagieuse et il l’a mordue ! Cette chatte doit être folle, elle aussi ! Je me souviens d’ailleurs qu’on était partis vers la ville, pas vers la campagne !
- C’est impossible, déclara soudain Jessie d’un ton sans appel. On ne peut pas aller vers la ville.
- Pourquoi ? demanda Onyx sèchement. »
Elle le regarda droit dans les yeux :
« Parce que les chats errants ont pu changer de camp entre ton départ et celui de Chouquette, et se retrouver ainsi à la campagne, et non dans leur précédent camp de la ville. »
Nous galopions vers la campagne. La déclaration faite par Jessie nous avait convaincus, sauf Onyx qui niait l’accusation. Je dois reconnaître que tout le monde le regardait différemment.
Malheureusement, Désert était partie chasser. J’avais toujours eu confiance en la chatte, et je ne savais trop comment interpréter sa dénonciation par Chouquette.
Jugeant la situation trop grave, nous avions décidé de partir sans elle, à plus forte raison si elle était coupable.
Personne ne nous avait vus, j’en étais absolument certain. Nous étions parvenus au dépôt où les chats errants avaient élu domicile. Les relents de nourriture en décomposition me soulevaient le cœur, et penser au brave Bonzaï survivant parmi ces tas d’immondices ne faisait que renforcer ma détermination.
Chouquette, qui nous servait de guide, se repérait parfaitement, et nous avions réussi à localiser la cellule qui servait de prison. C’était une énorme salle en fer rouge de rouille et de champignons. Sa forme me faisait penser aux sous-marins que j’avais eu l’occasion de voir ultérieurement, abandonnés sur le sol.
Chouquette sourit et articula la phrase : « Par ici ! » Nous la suivîmes.
Deux chats errants servaient de sentinelles.
Conformément au plan prévu, Pixie et Onyx se dirigèrent à pas de loups vers les félins qui bavardaient. Onyx était sans doute coupable, il n’y avait plus de doute, mais il était le seul en dehors de Pixie à savoir se battre, et nous avions décidé de lui laisser une chance de se racheter.
Les deux gardes ne comprirent rien à ce qui leur arrivait lorsqu’un bon coup de patte les fit sombrer dans le néant, libérant ainsi l’entrée.
Néanmoins, il fallait faire vite car d’autres chats pouvaient arriver. Je restais donc pour faire le guet, tandis que Chouquette et Onyx entraient dans la prison pour délivrer Bonzaï.
Mon cœur battait à tout rompre. J’essayais de passer inaperçu, mais je craignais à tout instant qu’un félin errant vienne s’avancer vers moi. Le temps passait. Que faisait donc Chouquette et Onyx ? Mon cerveau tourneboulé faisait mille hypothèses : ce qu’avait raconté Onyx était vrai, et Bonzaï était un chat fou ; Onyx avait assommé Chouquette et s’apprêtait à la tuer…
Alors que la panique me gagnait, Chouquette et Onyx ressortirent accompagnés du vieux prisonnier. Le félin noir se montrait particulièrement prévenant avec les deux matous, et cela ne cessa de m’étonner, tandis qu’une flamme de méfiance germait : que manigançait-il ? Nos amis étaient-ils en danger ?
Bonzaï peinait à garder le rythme. Nous avions quitté le camp par un coin acculé, et Pixie et moi soutenions le vieux chat. Son séjour en prison l’avait considérablement amaigri, et il se traînait presque, la queue pendante.
Perdu dans mes pensés, je n’avais pas remarqué l’absence de Chouquette. Lorsque Bonzaï s’abattit sur le sol, Pixie nous autorisa une pause. Nous étions assez loin désormais du camp des chats errants, et j’approuvais son choix. J’en profitais pour faire demi-tour au triple galop, pour tenter de retrouver Chouquette.
J’étais à environ un quart de la distance qui nous séparait des chats errants, lorsque j’entendis comme un râle étouffé. Inquiet, je me figeais. J’écoutais à nouveau, et une senteur âcre me parvint. Paniqué, j’inclinais les oreilles vers le buisson d’où venait l’odeur : c’était celle du sang !
Un chat était en danger.
L’image de Chouquette agonisant dans un bain de sang m’était insupportable. Avec un gémissement de désespoir, je bondis.
Et s’il était trop tard ?
Si Chouquette était morte ?
À suivre…
Bonne lecture,
Boule-de-Poils